Nous vous écrivons aujourd’hui à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleur.euses du sexe. Vous n’êtes certainement pas sans savoir que les personnes qui vendent ou échangent des services sexuels subissent plusieurs formes de violence aujourd’hui, au Canada, comme ailleurs.

En cette journée, nous souhaitons rappeler que les travailleur.euses du sexe ont une parole qui devrait être écoutée et que nous devons, en tant que société, les laisser définir leur expérience et leur identité elleux-même. Les étiquettes de « victime » ou « d’indésirables » qui leur sont imposées constituent un stigma et une forme de violence. Au lieu de tenter de sauver les travailleur.euses du sexe, donnons-leur des droits!

En effet, les travailleur.euses du sexe n’ont pas les mêmes droits que les travailleur.euses d’autres secteurs économiques. Il est urgent de leur donner ces droits dans un objectif d’autodétermination et lutte à l’exploitation. Les lois canadiennes participent à perpétuer ces violences, car elles ont pour effet d’isoler les travailleur.euses du sexe et posent des obstacles importants à leur accès au système de justice.

De plus, le stigma envers travailleur.euses du sexe provoque de la discrimination à leur égard, notamment en ce qui concerne l’accès au logement, la garde de leurs enfants, l’accès aux services de santé et services sociaux, ou encore l’emploi. Les travailleur.euses du sexe, particulièrement celleux qui sont racisé.es, et/ou trans, subissent davantage de violence systémique, et entre autres, davantage de brutalité et de violence verbale de la part de policier.es.

Cette année, notamment en raison de la pandémie de COVID-19, ces lois criminalisant plusieurs activités reliées au travail du sexe ont eu pour effet de placer les personnes qui vendent des services sexuels dans une situation de grande précarité. En tant qu’organismes qui offrent des services
psychosociaux aux travailleur.euses du sexe à Montréal, nous pouvons témoigner du fait que plusieurs n’ont pas eu accès aux mesures financières reliées à la pandémie telles que la Prestation canadienne d’urgence (PCU), car déclarer leurs revenus poserait des risques. Les périodes de confinement sont donc particulièrement difficiles pour les travailleur.euses du sexe, qui sont amené.es à prendre plus de risque pour travailler.

TIOHTIÀ:KE – MONTRÉAL

La Ville de Montréal pourrait contribuer grandement à l’élimination des violences faites aux travailleur.euses du sexe.

Nous sommes préoccupé.es par le fait que le SPVM fait preuve de brutalité, de propos discriminatoires et d’attitudes humiliantes envers les travailleur.euses du sexe. La surveillance policière isole les travailleur.euses du sexe et nous constatons l’absence d’une institution de
confiance envers laquelle celleux-ci pourraient se tourner. Les pratiques du SPVM stigmatisent les travailleur.euses du sexe et font preuve de manque de sensibilité sur les enjeux et situations qu’iels vivent.

La Coalition pour le définancement de la police est en grande partie constituée de membres des communautés racisées, autochtones, LGBTQ+ et des travailleur.euses du sexe, ainsi que d’organismes qui rejoignent ces communautés. Nous croyons fermement que le définancement du
SPVM et le réinvestissement suivant les recommandations de la Coalition répondrait aux besoins des communautés que nous rejoignons. Nous espérons donc que ces recommandations seront mises en œuvre.

Par ailleurs, nos organismes rejoignent beaucoup de personnes en situation de précarité et d’itinérance. Ces personnes sont particulièrement affectées par le fait que les endroits publics sont de moins en moins accueillants pour elleux en raison de la surveillance policière et du mobilier urbain, par le manque flagrant de logements sociaux, par le manque d’accès à l’eau potable et à des toilettes publiques et par le démantèlement des campements qui leur permettent d’acquérir une autonomie importante. Nous vous appelons à écouter les besoins de ces personnes et leur offrir
des milieux de vie convenables qui répondent à leurs besoins de base.

En cette Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleur.euses du sexe, nous vous invitons à agir, et surtout, à écouter les voix des travailleur.euses du sexe pour que cesse la perpétuation des violences.


GOUVERNEMENT PROVINCIAL

Nous souhaitons attirer votre attention sur l’intersectionnalité des oppressions que vivent beaucoup de travailleur.euses du sexe au Québec.

Racisme systémique
Alors que nous savons que les travailleur.euses du sexe racisé.es vivent de la violence au quotidien, et que personne ne peut nier que les travailleuses du sexe autochtones sont trop souvent portées disparues et assassinées, c’est avec regret que nous constatons que le refus de reconnaître
le racisme systémique perdure au Québec. Cette reconnaissance serait un premier pas vers l’élimination des injustices et des violences que les personnes racisées et autochtones dénoncent depuis longtemps.

Nous vous invitons donc à reconnaître que le racisme systémique existe au Québec et qu’il a des conséquences graves sur une grande partie de sa population, et à faire de l’élimination du racisme systémique une priorité.

Personnes mineures
Nous remarquons que les travaux de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs semblent tendre vers des recommandations de criminalisation encore plus accrue que celles déjà existantes. Nous vous demandons de considérer les besoins réels des personnes mineures qui échangent des services sexuels contre rémunération. Les dispositions légales concernant l’âge et les circonstances permettant à une personne mineure de consentir à des actes
de nature sexuelle peuvent être appliquées sans créer de lois spécifiques à l’exploitation sexuelle. En tant qu’organismes communautaires travaillant directement avec des jeunes qui échangent des services sexuels, nous savons que ces lois ont pour effet d’éloigner les jeunes des services dont iels
auraient besoin lors de situations de violence, de les isoler, de les stigmatiser et de les marginaliser.

Nous vous appelons donc plutôt à faire en sorte que les besoins matériels et psychologiques des jeunes soient comblés, par un accès au logement et à de la nourriture, ainsi qu’un accès aux services sociaux. L’accès aux services sociaux implique un financement adéquat des ressources institutionnelles et communautaires.

En cette Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleur.euses du sexe, nous vous invitons à agir, et surtout, à écouter les voix des travailleur.euses du sexe pour que cesse la perpétuation des violences.


GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

La criminalisation des activités reliées au travail du sexe crée une violence systémique à l’endroit des personnes qui vendent des services sexuels. Vous avez le pouvoir de participer à mettre fin à cette violence. Pour ce faire, nous vous demandons de travailler à retirer les dispositions suivantes
du code criminel: 213(1), 213(1.1) et 213(2); s. 286.1(1) – 286.1(5); ss. 286.2(1)–s. 286.2(6); s. 286.3(1) and 286.3(2); s. 286.4 et s. 286.5(1) – 286.5(2). Ces dispositions constituent des obstacles à la communication avec des collègues et des client.es, qui est nécessaire à l’organisation du travail et
qui permet d’assurer de bonnes conditions de travail. Elles contribuent à la stigmatisation et la marginalisation des travailleur.euses du sexe. Ces dispositions ont donc pour effet d’isoler les travailleur.euses du sexe et de les placer inutilement dans des conditions de travail dangereuses.

Des dispositions déjà présentes au Code criminel sont appropriées pour punir les violences faites aux travailleur.euses du sexe. Nous pensons notamment aux articles portant sur le vol, les voies de faits, l’intimidation, le harcèlement, les menaces de mort ou encore la séquestration. Faire appel
à ces articles de loi, plutôt qu’à des lois spécifiques sur le travail du sexe, permettraient de faire une distinction entre les pratiques consensuelles et ce qui concerne la violence, l’exploitation et la traite des personnes.

De plus, l’absence de lois spécifiques encadrant le travail du sexe permettrait aux personnes qui échangent des services sexuels de faire respecter leurs droits en tant que travailleur.euses par des
recours à l’endroit de leurs employeur.es. Cela est présentement impossible, puisque la dénonciation d’un employeur mènerait, pour beaucoup des travailleur.euses du sexe, à une perte de revenus.

Bien que le gouvernement du Canada ait reconnu le racisme systémique, nous sommes bien loin d’avoir suffisamment agi contre celui-ci. Les lois criminelles entourant le travail du sexe perpétuent des violences, particulièrement, à l’encontre des travailleur.euses du sexe racisé.es et
autochtones. Le Canada se doit d’agir et faire preuve d’une vraie volonté de réconciliation et de réparation auprès des nations autochtones.

En cette Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleur.euses du sexe, nous vous invitons à agir, et surtout, à écouter les voix des travailleur.euses du sexe pour que cesse la perpétuation des violences.


Pour consulter les lettres en Anglais, cliquer sur les lien ci-dessous :